Nuit d’orage

C’est la lumière derrière mes paupières qui m’a tirée de mon sommeil. Un flash vif, jaune orangé, faisant ressembler mes capillaires sanguins à des éclairs rouges. J’ouvre les yeux et compte machinalement. Au bout de cinq, le tonnerre retentit. L’orage n’est pas loin. L’air est électrique. Je me rapproche de Manu, qui respire régulièrement à mes côtés. 
– Tu dors ?

Un claquement sourd. Je sursaute. La chambre est dans la pénombre, Laurène ronfle à côté. Ce n’est pas un vrai ronflement, c’est juste une sorte de… sifflement. La chambre s’illumine. Ma femme s’agite. Ne surtout pas bouger. Ne pas réveiller la Bête, sous peine de se faire dévorer. Le tonnerre gronde à nouveau. Je respire le moins possible.
– Tu dors ?
Et merde.

– Mmm.
– C’est pas une réponse, ça. Mais je vais m’en contenter.
D’un petit coup de hanches, je me rapproche de son dos où s’étalent de plus en plus de poils. En vieillissant, ceux du torse ont commencé à grisonner, comme la barbe. Mais les poils du dos et du ventre sont aussi sombres que lors de nos premières baises. Je colle mes seins contre ses omoplates.
– Puisqu’aucun de nous ne dort plus…
Câline, je me love plus étroitement, taquinant du bout du nez son lobe alors que mon corps épouse le sien.
– Manuuuuuu… Viens, on baise…
Je l’entends souffler doucement.
– Mais on a déjà baisé en se couchant… Je dors quand, moi ?

Je sais, je sais. Ce n’est pas la mort, d’avoir une nana insatiable. C’est juste que… beh, j’ai plus 20 ans, moi. J’ai mal aux jambes au bout d’un moment. Et mon sommeil est sacré. En plus, ce n’est pas comme si je ne nourrissais jamais la Bête. Hier, je suis rentré du boulot, elle m’attendait en porte-jarretelle, bas et talons. Et rien d’autre. Là, le cul sur l’accoudoir du fauteuil club, avec son petit sourire de mante religieuse sur ses lèvres rouge sang. J’ai juste eu le temps de négocier une douche, parce que j’avais sué dans le métro et qu’il faisait encore au moins 32 degrés dehors. Elle m’attendait à la sortie, avec la serviette, et je n’avais pas fini de me sécher qu’elle était déjà à genoux devant moi pour me pomper. Je ne me plains pas : le sexe était bon, tout comme la salade périgourdine du dîner, la série Disney + les jambes emmêlées et, enfin, la levrette de 23h. Tout était parfait. Mais là, il est 3h du matin, je bosse demain et je suis vidé, au propre comme au figuré. Est-ce que c’est ma faute si madame est excitée par les orages ?

L’entendre renâcler à me faire l’amour me pique un peu. Est-ce que la passion s’est cassé la figure, après huit années passées ensemble ? Peut-être que je ne lui plais plus. Merde. C’est bien la peine de me casser le cul avec mes séries de squats, ma zumba et mes longueurs palmées pour arrondir encore ce derrière qu’il adore prendre. Ou de m’irriter la raie avec des strings en dentelle alors que je ne rêve que de culotte en coton. Est-ce qu’il sait ce que c’est, d’enfiler des bas pour se la jouer Dorcel en pleine canicule ? Je soupire. C’est la frustration qui embrouille mon cerveau. Bien sûr, qu’il a le droit d’être fatigué. Bien sûr, que ça arrive, de ne pas avoir envie. Bien sûr, que dire une fois non après avoir dit oui les cent précédentes, ça ne remet pas en question notre relation. Je me cale contre sa nuque et l’embrasse dans le cou, en profitant pour respirer son odeur de mâle qui a trop chaud. Après tout, je sais bien faire sans lui, quand il n’est pas là.

– D’accord, d’accord, je comprends. Ça ne te dérange pas que je m’occupe de moi, du coup ? Ou tu préfères que j’aille dans la salle de bains pour te laisser dormir ?
Je sens la main de Laurène se faufiler entre nos deux corps, qui se sont séparés en faisant un bruit de ventouse fort peu élégant.
– Non non, vas-y.
Ma voix est plus rauque que je ne l’aurais voulu et la main s’arrête un instant, avant de poursuivre sa route avec hésitation. Pour un peu, j’entendrais Laurène sourire. Le tonnerre mugit, couvrant à peine son gémissement dans mon oreille quand ses doigts atteignent leur cible. Le poignet de Laurène cogne contre mes fesses à rythme lent. Je l’ai observée se masturber pour moi si souvent que je n’ai pas besoin de la voir pour savoir comment elle procède. D’abord doucement, de bas en haut, du bout du majeur, alors que l’index et l’annulaire écartent ses grosses lèvres. Le majeur qui descend plus bas, à l’entrée du vagin, pour récupérer de la cyprine, avant de remonter faire rouler le clitoris, toujours du côté gauche. Je l’imagine jambes écartées, seins tendus, yeux flous. Je déglutis. Je sens mon membre se redresser lentement, ridicule château gonflable en cours de montage, et je me sais trahi par mon propre corps, qui commence à me hurler « baise-la. » Le souffle de Laurène rebondit contre mon dos alors que ses hanches exécutent une danse obscène, lascive. Elles se cognent à moi de temps en temps, comme par mégarde. Son sexe fait un léger clapotis quand les doigts jouent avec les petites lèvres. Je suis définitivement réveillé et je souris. Cette nana dit qu’elle est folle de moi, mais en vrai, elle veut me tuer. Je ne vois pas d’autre explication. 

Il n’a pas tenu plus de trois minutes, le bougre. Il m’a suffi de respirer un peu fort, d’onduler des hanches et voilà qu’il se retourne vers moi.
– Tu vas finir par avoir ma peau.
– Juste équilibre des choses : tu es déjà dans la mienne. 
Un éclair illumine son visage. Il a l’air à la fois blasé et amusé, désirant et désirable. S’il lit tous mes sentiments dans mes yeux, je crois que j’en vois pas mal aussi dans son regard.
– Viens par là.
D’un mouvement, il m’attire sur lui. Je perçois son début d’érection contre moi. Je ne sais pas si je dois me réjouir ou m’en vouloir un poil, de l’avoir aguiché alors qu’il préférait dormir. Sa façon de m’embrasser dissipe mon peu de remords. Sa langue caresse la mienne, explore ma bouche. Je finis par la sucer avec mes lèvres, ce qui achève de bétonner sa queue. Sa peau est moite alors que je prends appui sur lui pour me redresser. Je reste quelques instants à le tenir entre mes cuisses, à contempler la monture que j’ai capturée, avec cette conscience accrue de mon sexe trempé contre son abdomen. Puis, il m’enlace pour m’attirer à lui, plongeant ses narines dans mes cheveux alors que je frotte mon visage à sa barbe. J’aime sa tendresse, autant que sa façon de me baiser. J’aime m’aplatir pour qu’un maximum de surface de peau soit en contact, j’aime absorber son énergie pour en avoir un peu quand il est loin, j’aime mettre son odeur partout sur moi et laisser la mienne comme si je marquais mon territoire. Je me redresse. Un autre éclair et je surprends son regard. Sans le quitter des yeux, je m’empale d’un trait, avant que l’obscurité ne revienne. Soupirs mutuels de plénitude. Je me sens complètement en vie lorsqu’il bouge en moi, quel que soit l’orifice qu’il occupe. Mes mouvements se font amples, mes frottements, appuyés, alors que ses mains agrippent mon postérieur, que ses doigts s’introduisent dans mon anus, taquinent ma raie. J’alterne les appuis entre la tête de lit et son torse, dont je tire les poils. C’est un rodéo où la monture ne veut pas me désarçonner, mais, au contraire, s’arrimer plus profondément. Je grogne, je bouge, je me cambre, je me plie pour l’embrasser, je prends ses mains pour lui faire pincer mes tétons, je vais d’avant en arrière et de haut en bas. Dans la pénombre de la chambre, je ne crains pas d’être vue. Je m’en fous des bourrelets, des seins qui ballottent, du double menton et des narines vues du dessous. À moitié endormis, nous ne sommes plus que des animaux qui cherchent à s’emboiter. Et lui et moi, on s’emboite carrément bien.

Un éclair me permet de l’apercevoir brièvement. Ce qu’elle est bandante, à rebondir sur ma queue, comme ça, le cheveu défait et la mine chiffonnée. Je n’en perds pas une miette et résiste à l’envie d’allumer la lampe de chevet. Elle croit qu’elle doit être parfaite pour m’exciter, alors qu’elle a juste à être enthousiaste de baiser, mélange parfait entre tendresse et perversité. C’est ça qui me tient éveillé, la nuit. Pas la lingerie qu’elle porte ou le rouge sur ses lèvres. Ça, c’est juste le paquet d’un chouette cadeau. Je donnerais cher pour un autre éclair. Je suis un mateur, moi. J’adore voir ses seins balloter et ses joues rosir. Surtout que les nuits d’orage, elle se donne à fond. Un autre éclair, s’il vous plait. 
Juste un.

J’aime baiser pendant l’orage. Ça masque les bruits des corps qui s’entrechoquent, de l’air qui entre ou qui sort et j’en profite pour me lâcher comme jamais, alors que j’essaie habituellement de pas déranger le voisinage. Manu le sait et il fait tout pour me faire crier bien fort. En trois gestes, je me retrouve à quatre pattes pendant qu’il me lime énergiquement. Ses doigts griffent mon dos, mes fesses. Parfois, il se penche pour m’embrasser l’épaule, la mordiller, et se redresser avec mes boucles dans la main. Il a une poigne de fer quand il me fait lever le visage vers la tête de lit. Entre mes jambes, mes doigts pressent mon clitoris. Je sens ses couilles contre mon cul, sa queue coulisser dans mon vagin encore un peu irrité du coucher. Il faudrait que je me ménage, mon corps me le dit souvent. Mais ce n’est pas ma faute. J’ai parfois l’impression d’abriter une Bête affamée, qui se réveille à la moindre occasion :  l’odeur de sa sueur ou de son parfum, la caresse de sa barbe quand il se penche pour m’embrasser le cou, la vue d’un bouton de chemise qui saute, le son de sa voix quand il dit qu’il a envie de me choper, le goût de sa salive. Plus nous avançons en âge, meilleur est le sexe. Si on m’avait prévenue qu’en échange de la fermeté de mes chairs, mes orgasmes gagneraient en intensité, j’aurais été moins effrayée de vieillir. Je le sens grossir en moi alors que le rythme s’accélère. Ses hanches claquent mon fessier, les faisant trembler jusque dans mon dos, et il ressert son étreinte dans ma chevelure. L’éclair projette nos ombres enchevêtrées sur le mur alors que mon orgasme gronde. Le tonnerre éclate alors que je m’éparpille en glapissant, les jambes tremblantes. Manu s’extirpe de mon vagin, me contourne et, debout sur le lit, se branle vigoureusement. Il sait que je tiens à le voir jouir, même dans la pénombre. J’apprends son plaisir en entendant son râle et en sentant son foutre éclabousser mes seins. Quand il se penche pour embrasser le dessus de ma tête, je sais qu’il dormira dans mes bras, parce que maintenant, c’est tout mouillé de son côté. 

Auteur : Aurore Baie

J'aime écrire. À vrai dire, c'est mon métier, ce qui me permet de payer les factures. Mais je ne peux pas choisir toujours les sujets traités dans mon travail. Alors je m'offre ici une salle de jeu... Bienvenue dans mon recueil de nouvelles érotiques! Il va sans dire que tous les textes publiés ici sont des créations originales... Pas touche sans accord ! Merci !

2 réflexions sur « Nuit d’orage »

  1. Sublime !!!
    Un vrai plaisir à lire. Il est très vivant, au point de croire à une histoire vécue…
    On y sent la complicité, l’Amour et la tendresse de l’un envers l’autre.
    Très beau !
    Chapeau !!!
    Miss G admirative

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